L'abeille sauvage et la guêpe solitaire
Entre les pavés, les abeilles sauvages, guêpes solitaires et fourmis peuvent construire un monde bien caché. On les devine parfois aux petits tas de sable qui sortent des joints.
L'abeille sauvage
Bruxelles est un véritable refuge pour la biodiversité urbaine : plus de 200 espèces d’abeilles y ont été recensées ! Parmi elles, la plus célèbre reste l’abeille mellifère (Apis mellifera), celle qui vit dans les rûches, est élevée par les apiculteurs, et produit du miel. Mais la grande majorité sont en réalité des abeilles sauvages, bien moins connues, mais tout aussi essentielles à la pollinisation.
Ces abeilles sauvages ne vivent pas en colonies, mais nichent dans une incroyable diversité d'abris : tiges creuses, talus sablonneux, interstices entre les dalles de trottoirs... Certaines espèces forment des bourgades, sortes de petits quartiers d’abeilles où plusieurs nids individuels se regroupent temporairement, le temps de quelques semaines au printemps ou en été.
C’est pour mieux connaître et protéger ces précieuses habitantes que le projet StreetBees a vu le jour en 2019, à l’initiative de Bruxelles Environnement.
L’objectif ? Étudier les abeilles sauvages terricoles (qui nichent dans le sol), et adapter nos aménagements urbains pour les accueillir. Le projet propose notamment des recommandations pour la rénovation ou la construction de trottoirs et autres revêtements, afin de rendre la ville plus accueillante pour la faune pollinisatrice, par exemple, en laissant des espaces entre les dalles où elles peuvent s’installer.
La guêpe solitaire
Sous les pavés, la biodiversité
Peut-être les avez-vous déjà vues, peut-être les avez-vous prises pour des guêpes communes, peut-être même les craignez-vous ?
Mais qui sont elles vraiment ?
Le Cerceris des sables (Cerceris arenaria), espèce la plus couramment observée en Région de Bruxelles-Capitale, est une guêpe solitaire discrète, sensiblement plus petite que ses cousines saxonnes ou germaniques. Plus fine, elle partage pourtant les mêmes teintes noir et jaune, ce qui rend son identification difficile pour un oeil non averti.
C’est l’observation de son mode de vie qui permettra de la distinguer : contrairement aux guêpes sociales, elle vit et travaille seule ! Si l’on observe l’entrée du terrier, on n’y voit qu’une guêpe faisant ses allées et venues. Aucun attroupement, aucune gardienne. Cependant, ses terriers sont souvent groupés en petites bourgades, parfois très visibles sur les trottoirs sablonneux.
L’entrée du terrier prend la forme d’un petit cratère de sable à l’ouverture bien ronde, un détail qui permet de le distinguer de celui des fourmis. Vertical, le terrier descend à une profondeur de 10 à 20 cm, puis se ramifie en galeries horizontales, chacune menant à une chambre de ponte. La guêpe y dépose une proie paralysée (souvent un coléoptère), sur laquelle elle pond un œuf. La larve s’en nourrira une fois éclose.
La période de vol de ces guêpes d’étend de mai à septembre.
Nuisibles ? Bien au contraire !
Le Cerceris des sables fait partie d’un vaste ensemble : celui des guêpes solitaires fouisseuses. Il représente l’une des quelque cinquante espèces européennes du genre Cerceris, qui lui-même appartient à un ensemble encore plus large de familles et genres regroupant de nombreuses espèces de guêpes vivant en solitaire et creusant leur nid dans le sol.
Des butineuses utiles…
À l’âge adulte, ces guêpes se nourrissent de nectar et de pollen, butinant paisiblement les fleurs comme les abeilles. Elles font donc pleinement partie du groupe des insectes pollinisateurs, si précieux pour la biodiversité.
… et des larves carnivores !
Les larves, elles, ont un régime tout autre : carnivore. La guêpe adulte chasse et capture des proies, qu’elle paralyse avec son venin sans les tuer, pour les stocker dans les chambres de ponte de son terrier. À l’éclosion, la larve se nourrit des proies ainsi « conservées » à sa disposition.
Il est à noter que les proies choisies par ces guêpes sont souvent des insectes considérés comme nuisibles dans les jardins, comme des chenilles, des taons, ou encore des coléoptères tels que les buprestes, chrysomèles ou charançons.
C’est précisément ce dernier type de coléoptères qui est au menu des larves du Cerceris arenaria nichant sous les trottoirs de notre commune. Dès lors, ces guêpes sont de précieuses alliées du jardinier, puisqu’elles régulent naturellement les populations de parasites, notamment dans les potagers.
Dangereuse ? En aucun cas !
Contrairement à leur mauvaise réputation, ces guêpes ne présentent aucun danger pour l’humain. Très occupées par leur mission de chasse et de ponte, elles ne s’intéressent ni à nous, ni à notre nourriture.
Leur venin, précieux et coûteux à produire, est utilisé exclusivement pour paralyser leurs proies. Elles n’ont donc aucune raison de piquer un humain.
Le jeu du parasitisme
Mais la nature est pleine de surprises : notre guêpe fouisseuse peut elle-même devenir victime d’un parasite… une autre guêpe !
C’est le cas de certaines espèces de la famille des Chrysididae, appelées "guêpes-coucou". Celles-ci pondent leurs œufs dans le nid d’une autre guêpe. Leur stratégie ? Faire éclore leur larve avant celle de l’hôte, pour qu’elle consomme les proies accumulées… et parfois même la larve de la guêpe initiale.
Ces guêpes-coucou sont de véritables bijoux vivants, aux couleurs métalliques vives. L'espèce la plus commune de nos trottoirs est Hedychrum nobile. Observez comme elle profite du départ de Cerceris pour venir visiter son terrier !
Connaissons-les pour mieux les préserver
Inoffensives pour l'homme, utiles au jardin, élégantes à observer, ces guêpes solitaires sont encore trop souvent victimes de la crainte qu’elles inspirent.
En les connaissant mieux, nous pouvons apprendre à cohabiter harmonieusement avec elles. Évitons de piétiner les bourgades, de boucher les entrées des terriers ou d’intervenir inutilement.
Ces discrètes habitantes de la ville ne demandent qu’un peu d’espace et de tranquillité pour continuer à jouer leur rôle essentiel dans l’écosystème urbain.